Le murmure de l'âme

Je ne sais rien faire d'autre. J'indique mon Nord.
Je pourrais tout aussi bien indiquer le Sud, ou l'Est, ou l'Ouest, ou n'importe quel point de la rose des vents ... comme le font, d'ailleurs, d'autres boussoles "étrangères".
Une chose est sure, c'est que si j'indique autre chose, c'est que je suis ... déboussolée.
Mon Nord, c'est ma raison d'être. Et même si le roulis et le tangage de la vie me font osciller, je finis toujours par me stabiliser en pointant vers ce point. Je n'y suis pour rien. "On" m'a construit comme ça.
Comme je ne sais rien faire d'autre, je le fais avec une constance un peu brutale que, souvent, cher capitaine, tu dois trouver obtuse et énervante.
Pourtant, il a bien fallu, faute de n'être qu'un bête et passif instrument du voyage, trouver des justifications à cette polarité, l'habiller de raison, la parer d'une Transcendance.
C'est ainsi, qu'avec la patine et les rides du temps, je le trouve beau, mon Nord. Tellement d'autres boussoles, du même fabriquant, l'ont indiqué avant moi, avant de reposer au fond des océans. Ce Nord, il n'est ni à droite, ni à gauche, ni en bas, il est en haut et une étoile brille sans bouger au dessus de lui.
Mais je ne suis qu'une boussole et n'ai pas la prétention d'indiquer la direction du bateau. Là, c'est ton affaire, Cher Capitaine. Je ne suis pas là pour t'indiquer où tu dois aller mais pour que, toujours, tu saches où tu es et où tu vas.
Si parfois, tu trouves que j'indique un nord bizarre, c'est soit que je suis déréglée par une "masse" quelconque qui me perturbe, soit que, quelque part, ton estime est erronée et que tu n'es pas où tu croyais être. Les courants de la vie sont tellement traitres ! Ce n'est jamais très grave: un petit tour vers la table de navigation, quelques calculs à refaire et c'est bon.

Cher Capitaine, je n'ai pas d'autre raison d'être que ton service. "On" m'a construit pour ça. Sous la vitre froide de ma rosace et malgré la rouille, mon coeur de boussole bat pour toi.