Petite anthropologie de l’Homo Sapiens pharisianus (nom commun : pharisien)
Des origines à nos jours

On pourrait le croire disparu depuis l’an 70 environ.
Erreur. L’espèce a non seulement survécu mais s’est multipliée et parfaitement adaptée à tous les environnements.
Ses individus paraissent, a priori, difficiles à détecter en raison de leurs capacités mimétiques.
C’est pourquoi, il est utile d’en décrire les caractéristiques qui en font une sous-espèce parfaitement reconnaissable.
Il est aussi utile de préciser que les individus de cette sous-espèce présentent toutes les caractéristiques ici décrites, méritant une inscription aux Livre des Origines (L.O.)
D’autres sous espèces peuvent aussi présenter l’une ou l’autre de ces caractéristiques. Mais faute de les posséder toutes, ce ne sont que des commensaux, mais non des croisements. Car le pharisien ne se reproduit pas avec d’autres que lui. Il est par nature consanguin.

La première de ses caractéristiques est son attrait pour le pouvoir. Précisons de suite qu’il  ne cherche pas obligatoirement à l’exercer. Avant tout, il aime œuvrer dans les sphères du pouvoir.
Le pharisien est toujours du coté du manche.
Hier il clamait « nous n’avons d’autre roi que César ».
Aujourd’hui, politique, il s’agenouille devant le plus fort, journaliste, il se fait le héraut servile des dirigeants de son groupe de presse, artiste, il déclame docilement tous les poncifs de la bien pensance pour pouvoir continuer sa carrière de saltimbanque.
Servilité, lâcheté, opportunisme.
Mais l’explication est trop courte et nécessite de remonter la chaine des causes.
Car le pharisien se dit indépendant et courageux. Mais si !

Le fond du problème est que le pharisien croit au sens de l’histoire et veut s’en faire le serviteur. Il croit à l’histoire comme à un démiurge doté d’une volonté propre.
Or qui n’a jamais détecté la conscience de l’histoire ? Qui n’a jamais détecté sa volonté ?
L’histoire n’a donc pas de sens propre sinon celui que lui impriment les volontés humaines, bien humaines, qui l’orientent à leur guise dans un conflit permanent.
Nous chrétiens savons seulement que l’histoire s'étend d'un alpha  à un oméga et que tout conduit à ce dernier.
C’est parce qu’il croit au sens de l’histoire que le pharisien aime le pouvoir..
Pour cela, il sert et se soumet à toutes les volontés motrices qui, souvent, ne lui demandent d’ailleurs pas son avis et qui le méprisent, à l’instar de Pilate.
En fait, le pharisien est un idiot utile. Dans la minorité des cas, il est le complice conscient et volontaire de forces qui le dépassent. La plupart du temps, le pharisien se laisse porter par le courant, voire y pagaille pour accélérer le mouvement.
Quand il en voit pagailler à contre courant, il s’effraie et crie « Attention danger ! », alors que c’est lui qui file droit vers les chutes.

Troisième caractéristique, corollaire de la précédente, le pharisien croit au progrès.
Le sens de l’histoire conduit inéluctablement, pense t-il, au bonheur de l’humanité, à un paradis terrestre restauré dont sa communauté serait l’architecte.
Peu lui importe que cet idéal messianique soit sans cesse repoussé dans un avenir hypothétique, peu lui importe qu’il se heurte sans cesse aux réalités, humaines, sociologiques ou économiques. Il est convaincu que l’idole « Progrès » saura, un jour, vaincre ces résistances d’un autre temps.
Pour cela, le pharisien est un utopiste, jamais un réaliste. Il n’hésite pas à gommer l’enseignement des siècles pour se forger un futur à son idée, comme ses ancêtres se sont forgés un Messie bien terrestre, bien mondain, en contradiction flagrante avec les écritures qu’ils disaient connaître mieux que d’autres.
Qu’importe ! Jésus n’était pas celui qu’ils attendaient.
Les pharisiens de notre temps ne pensent ni n’agissent autrement. Ils se croient les êtres les plus « religieux ». Mais c’est parce que leur religion est seulement à leur mesure, taillée à leur proportion.
Ils se croient grands et supérieurs parce que leur plafond est bas. Il leur manque le sens de la perspective.
Bien sur, c’est une dramatique méprise. Mais allez leur faire comprendre.

Ce n’est pas tout.
Outre ces déjà nombreuses spécificités, il faut savoir que le pharisien adore le complot.
Sous les apparences d’une vertu dont il se pare comme une cocotte, il agit toujours en douce.
Pourquoi ? Parce qu’il craint le peuple.
 Il manipule l’argent, change les constitutions, signe des traités, rédige des décrets, élabore ses stratégies et désigne celui qu’il faut abattre ….toujours en douce, toujours dans le secret de ses convents.
Quand il se dévoile (ou est dévoilé), vous remarquerez qu’il a toujours pour sa défense quelques témoins de moralité, philosophes autoproclamés et bonnes consciences qui appartiennent à sa coterie. Qu’importe s’ils se contredisent ! La vérité ne les intéresse pas.
De même, dans le domaine de la justice, il a beaucoup de mal à condamner le criminel. Vous comprenez bien pourquoi …
Au tribunal du pharisien, c’est l’innocent ou la victime qui trinque. On y relâche toujours Barabbas.

Comploteur comme le serpent, le pharisien est toujours orgueilleux et narcissique comme un paon. Certes, pourra-t-on objecter, il n’est pas le seul.
Mais alors que la plupart le savent et tentent de le combattre, lui s’y complait. Son miroir est son seul ami.
Il est drogué aux honneurs.
Pour cela, à l’origine, il parait son vêtement de longues et pieuses franges. Aujourd’hui, mimétisme oblige, les franges sont devenues plus subtiles, voire subliminales. Une rosette par ci, une présidence par là.

Voulez-vous faire apparaître le pharisien, le faire sortir du camouflage de son mimétisme ?
L’appât idéal est un plateau de télévision, une caméra, un micro, surtout avec un présentateur qu’il saura complaisant, un pharisien comme lui. Une jolie présentatrice aussi … pour plus si affinités.
C’est l’appeau à pharisien. Cela marche à tous les coups.

Voila.
On pourrait fouiller encore longtemps dans ses viscères grouillants.
Mais cela suffit.
On en sait assez pour reconnaître le pharisien au premier coup d’œil.
Assez pour se méfier de son levain … porterait-il une mitre.

Jean-Marie Clerget-Gurnaud